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Je m’appelle Clément Donzel et suis expert en cybersécurité et fervent défenseur de nos libertés numériques.
Et si la Silicon Valley s’effondrait ?
Dans son dernier numéro FUTUR, Usbek&Rica revient sur les origines de la Silicon Valley et imagine un scénario en cinq actes qui pourrait annoncer son effondrement. Simple exercice de pensée ou réalité possible ? On en parle tout de suite.
La Silicon Valley est l’épicentre de l’innovation technologique mondiale. Nichée dans la baie de San Francisco aux États-Unis, à cheval sur les comtés de Santa Clara et de San Mateo, elle abrite quelques 12 000 entreprises – Facebook Apple, Linkedin, Amazon ou encore AirBnB – et des écoles prestigieuses comme Stanford ou Berkeley. Cette enclave de 200km2 produit à elle-seule 79 % du PIB de l’État de la Californie, qui s’il était un pays serait la quatrième puissance économique mondiale, devant le Royaume-Unis et la France.
Pour valider cette théorie d’un effondrement, FUTUR relève des signaux faibles comme la faillite de la Silicon Valley Bank en 2023, les procès pour infraction au droit de la concurrence (rien que cinq à l’encontre de Google entre 2020 et 2024), ou encore l’adoption de l’IA Act par l’Union Européenne. Passons en revue les cinq actes.
Acte I – Les juges contre les Big Tech
Alors que les GAMAM ont investi rien qu’en 2024 plus de 61 millions de dollars dans le lobbying pour éviter tout risque de démantèlement (Marietje Schaake parle même de coup d’État technologique), le magazine émet l’hypothèse qu’un retour des démocrates au pouvoir lors des prochaines présidentielles américaines de 2028 pourrait accélérer le recours à des procès antitrust. Ce scénario, loin d’être improbable, n’est pas incompatible avec un gouvernement Trump qui bien que pro-business n’ait pour l’instant pas démontré de volonté politique forte à contrer le les initiatives du DOJ ou de la FTC à l’endroit des Big Tech. L’histoire nous dira si l’alignement des géants du numérique à l’administration Trump était une stratégie avisée.
Acte II – Et la bulle de l’IA éclata !
Observant que les dépenses du secteur de l’IA générative dépassent encore aujourd’hui très largement les revenus produits, l’analyste de Goldman Sachs Jim Covellosedemande « Quel problème à 1 000 milliards de dollars l’IA va-t-elle résoudre ? » dans sa note intitulée « IA générative : trop de dépenses pour trop peu de bénéfices ? ». Cette inquiétude semble partagée par le fonds d’investissement historique de la Silicon Valley, Sequoia Partners qui alertait également en 2024 sur la différence croissante entre les revenus espérés qui tardent à arriver et les coûts associés pour créer les infrastructures. Pour le philosophe italien Luciano Floridi expert du numérique, il ne fait aucun doute que l’IA s’inscrit dans le continuum historique des bulles de la tech. Enfin, pour le journaliste et essayiste techno-critique Cory Doctorow, la question désormais n’est plus de savoir si la bulle de l’IA va éclater mais quand.
Acte III – Innovation, le coup de la panne
Étouffée par les Big Tech et par une dérive inhérente du capital-risque trop obsédé par le retour sur investissement au détriment de la qualité des produits, la Silicon Valley pour pourrait voir les cerveaux responsables des principales innovations technologiques fuir la vallée. Pour certains analystes, les géants de la Tech auraient même perdu toute capacité d’innovation. Si le dépôt de brevets peut être considéré comme un des critères d’innovation, alors force est de constater qu’avec un peu plus de 55 000 brevets déposés par les États-Unis en 2023, la Chine est devenue le premier pays en termes de dépôts avec presque 70 000 déposés !
Acte IV – Quand la tech s’invente ailleurs
Si la vallée californienne avec ses milliers de start-up et son pouvoir d’attraction des fonds d’investissement (je vous invite à écouter notre podcast dédié à Peter Thiel) reste pour l’instant au cœur de l’innovation mondiale, la donne pourrait changer. Pour Martin Kenney, professeur émérite à l’université de Californie, « on ne peut plus dire que la Silicon Valley soit indiscutablement le lieu le plus innovant au monde. Certaines des entreprises ayant connu le plus de succès, comme TikTok et DeepSeek, ou certaines technologies parmi les plus futuristes, comme les drones et les voitures électriques, viennent désormais de Chine ».
Acte V – Fuir les mégafeux et les inondations
Épicentre de de la Tech, la Silicon Valley pourrait également le devenir concernant la crise climatique. En août 2020, la foudre frappe plus de 14 000 fois et provoque de nombreux départs d’incendie. En mars 2023, un cyclone prive 200 000 foyers d’électricité. En janvier 2025, les flammes ravagent plus de 16 000 habitations. Avec 42% de constructions implantées sur des zones inondables, San José – siège social d’Adobe, PayPal et eBay -, qui culmine péniblement à deux mètres au-dessus du niveau de l’océan, pourrait être l’une des nombreuses victimes des dérèglements. Ainsi, nous pourrions ainsi assister à une multiplication de petites technopôles au détriment d’un seul épicentre planétaire.
Pour conclure, si certaines hypothèses du magazine paraissent assez improbables, d’autres sont déjà à l’œuvre et pourraient, si elles se concrétisent, sonner la fin de la récré et contribuer si non à son effondrement au moins à une perte d’influence de la vallée du silicium.
C’est tout pour aujourd’hui.
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Merci pour votre écoute et à la semaine prochaine pour un nouvel épisode de la Tech à l’Envers.
Pour aller plus loin sur le sujet :
– Pour en apprendre plus, je vous invite à consulter l’excellent dossier Silicon Valley : chronique d’un effondrement paru dans le magazine FUTUR d’Usbek&Rica
– Silicon Valley, chronique d’un effondrement, sur mon blog
– D’Henry Ford à Steve Jobs, de Thomas Edison à Elon Musk, décryptons le mythe de l’entrepreneur américain
– Mieux comprendre l’idéologie de la Silicon Valley
– Silicon Valley, de la contre-culture des hippies à la dystopie des GAFAM
