Salut et bienvenue dans notre nouvel épisode de la Tech à l’Envers, le média technocritique qui s’intéresse à l’envers de la Tech pour en développer un usage responsable et respectueux de notre vie privée. Je m’appelle Clément Donzel et suis expert en cybersécurité et défenseur de notre vie privée numérique.
Aujourd’hui, on s’intéresse à l’essai du journaliste Thibault Prévost qui s’intitule Les Prophètes de l’IA, pourquoi la Silicon Valley nous vend l’apocalypse, aux éditions LUX.
Pourquoi les Big Tech et les start-up de la Silicon Valley, qui voient traditionnellement dans la technologie la réponse aux grands enjeux sociétaux et humains, nous intiment-ils aujourd’hui de craindre un développement d’une IA faisant peser un risque pour la survie de l’humanité toute entière ?
Yann Le Cun (de Meta), Sam Altman (d’OpenAI), Larry Page (de Google), Brad Smith (de Microsoft), Peter Thiel (Palentir), Elon Musk (Tesla, SpaceX), le philosophe Nick Bostrom ou encore le chercheur Eliezer Yudkowsky, il ne se passe pas un jour sans que ces entrepreneurs américains de génie, penseurs ou investisseurs ne prononcent un nouvel oracle repris en cœur par la sphère médiatique.
De l’avènement d’une superintelligence dotée d’une conscience et d’une volonté de se retourner contre son propre créateur, à la fusion entre l’homme et la machine en passant par l’IA qui sauvera le monde, ces nouveaux prophètes semblent avoir pris le pouvoir de l’autre côté du Pacifique, dans les universités et même dans le dernier gouvernement américain.
Pourtant, cette obsession portée par les géants de la Tech sur l’avenir de l’humanité n’est pas nouvelle. En maitrisant le narratif commercial de la révolution permanente, en murmurant à l’oreille du législateur à travers des campagnes de lobbying intenses entre Washington et Bruxelles, en finançant la quasi-totalité des recherches en IA et en soutenant les think thank ultra-libéraux, ces industriels de la Tech impriment leur récit marketing, attirent les flux de capitaux et se positionnent comme des acteurs en capacité de pouvoir réguler un système qu’ils semblent les seuls à pouvoir comprendre.
Je vous propose d’écouter Sam Altman, le P-DG d’OpenAI, qui s’exprimait en mai 2025 lors d’une audition au Sénat américain portant sur l’Intelligence Artificielle. L’extrait que j’ai sélectionné dur un peu plus d’une minute. On en reparle après.
[EXTRAIT AUDIO]
La prophétie de Sam Altman est implacable. Dans un discours aux accents messianiques, il souligne notre incapacité actuelle à penser le futur, s’inquiète d’une IA si puissante qu’il faudrait avancer avec grande précaution, mentionne les concepts de singularité ou de take off d’une IA comme horizon à court terme, sans omettre qu’il s’agit de la plus grande révolution humaine de tous les temps et d’une nouvelle ère de l’histoire humaine… En une minute, Sam Altman nous déroule magistralement le narratif maintenant bien connu d’une innovation si grande qu’on ne peut à peine conceptualiser. Tels des magiciens, les start-up et big Tech à la manœuvre ambitionnent de reconfigurer le présent (de la main droite) alors que nous regardons (la main gauche) avec sidération vers un avenir improbable d’une IA pouvant nous détruire ou nous sublimer. Détournant ainsi avec succès notre regard des grands enjeux comme le dérèglement climatique, les inégalités sociales et la fragilisation des démocraties qu’ils contribuent pourtant à accélérer.
Les prophètes de l’IA est un essai de Thibault Prévost remarquablement documenté qui permet de sortir du récit marketing de l’Intelligence Artificielle actuel et nous invite à considérer l’IA pour ce qu’elle est réellement aujourd’hui, plutôt que pour ce qu’elle pourrait très hypothétiquement être un jour. En nous donnant des clés pour mieux questionner les discours irrationnels ambiants, l’auteur a enfin le mérite de réveiller notre esprit critique.
C’est tout pour aujourd’hui.
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Merci pour votre écoute et à la semaine prochaine pour un nouvel épisode de la Tech à l’Envers.
