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À l’âge de l’IA, faut-il briser nos machines

Au 19e siècle, des ouvriers sabotaient les métiers à tisser qu'ils accusaient de détruire leurs emplois. Aujourd'hui, les « néo-luddites » brisent leur smartphone à coups de marteau. Pour dénoncer l'emprise des technologies, mais aussi pour interroger ce que serait une technique émancipatrice.

La cérémonie s’est répétée deux fois à un mois d’intervalle, à l’automne 2023, sur les deux côtes des États-Unis. La première, dans un bar de Bushwick, un quartier branché de New York. La seconde, dans un centre communautaire de Oakland, dans la baie de San Francisco. À chaque fois, le scénario de la soirée est le même. Un groupe d’essayistes, de journalistes et d’activistes entretient le public des bénéfices et des effets pervers d’un certain nombre d’objets high-tech, avant de passer aux travaux pratiques. À la fin, un cercle se forme, de lourdes masses sortent des sacs à dos et plusieurs objets – un téléphone portable, une imprimante laser, une caméra de surveillance, un poster réalisé à l’aide d’une intelligence artificielle génératrice d’images – finissent réduits en miettes. Le nom de la soirée ? Le Luddite Tribunal.

Ses organisateurs ont décidé de retourner le stigmate et de revendiquer ce terme péjoratif dérivé du combat perdu, au début du 19e siècle, par des ouvriers britanniques, unis sous la bannière d’un mythique personnage baptisé Ned Ludd, contre la diffusion des machines à tisser. Ces juges improvisés du « tribunal luddite » ne sont pourtant pas, comme le veut le cliché, des individus qui refusent les nouvelles technologies et préfèrent s’éclairer à la bougie. Le principal d’entre eux, Brian Merchant, fut l’auteur d’une histoire de l’iPhone et chroniqueur high-tech pour un grand quotidien, le Los Angeles Times , avant de signer récemment une ambitieuse histoire du mouvement luddite et de ses prolongements contemporains, Blood in the Machine. The origins of the rebellion against big tech (Little, Brown and Company, 2023, non traduit). Un ouvrage où il clame que « même si ce soulèvement s’est produit il y a deux siècles, il a semé les graines d’un conflit qui continue de façonner notre relation au travail et à la technologie aujourd’hui. De bien des façons, notre futur dépend encore de l’issue de ce conflit. »

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